Chapelle des Fonts Baptismaux
ou Chapelle du Maréchal de Montigny
En 1619 cette chapelle a remplacé la chapelle construite fin XIVème, début XVème siècle par Mgr Pierre Aimery, archevêque de Bourges (1392-1409) et qui avait été démolie lors de l'effondrement de la tour nord le 31 décembre 1506. La famille de Montigny en avait acquis la concession en 1613.
Pour agrandir les images, cliquer dessus. Vous aurez en outre un commentaire succinct au bas de chaque image.
Voici ce qu'en dit M. Bardelot (Conservateur des objets d'art du Cher) :
"Saint-Etienne étant devenue église paroissiale, il devint également nécessaire d’aménager un espace pour administrer les baptêmes. On choisit la première chapelle nord (ancienne chapelle Aimery) qui avait été concédée en 1613 à François de la Grange Montigny, gouverneur du Berry. La statue priante qui faisait partie d’un important mausolée, édifié par sa veuve Gabrielle de Crevant, avait été conservée par les révolutionnaires. Elle fut, en 1802 reléguée dans l’église basse, avec les statues de la famille de L’Aubespine de la chapelle Jacques-Coeur. L’aménagement de l’ancienne chapelle Montigny, destinée à accueillir les fonts-baptismaux, fut réalisé pour une grande partie en même temps que les grilles en bois du chœur et par les mêmes artisans. « A la place du tombeau, nous dit l’abbé Barreau, on avait élevé un corps de menuiserie formant une grande niche d’environ 1,70 de diamètre, flanquée de deux armoires et portant une coupole dont le centre correspondait à l’axe vertical de la piscine, qu’on a conservé. Le pavillon du couvercle de celle-ci s’élevait ou s’abaissait au moyen d’un cordage mû par un mécanisme caché dans une armoire ». Un plan des années 1830-1840 nous conserve le souvenir de cet aménagement, dont seuls subsistent la cuve des fonts ainsi que le dallage portant le millésime 1811 en chiffres romains. Cette cuve baptismale en bois polychrome et doré de la fin du XVIIIe s. offre un beau travail de sculpture. Trois pieds de jarrets de lion terminés par une tête d’aigle reposant sur un socle triangulaire soutiennent une cuve godronnée ornée d’une guirlande de laurier. Le couvercle sculpté de feuilles d’acanthe est surmonté d’une pomme de pin formant prise. Au-dessus, l’anneau servait à y accrocher une colombe du saint-Esprit lestée de plomb, jouant ainsi le rôle de contrepoids. Ces fonts baptismaux, restaurés en 1964, pourraient provenir de l’ancienne église supprimée de Notre-Dame-du-Fourchaud par l’entremise de son dernier curé, Pierre-Martin Vorlay devenu le nouveau curé de la cathédrale, lequel avait également conservé de son ancienne paroisse plusieurs ornements liturgiques.
L’ensemble de ces aménagements commencés sous Mgr de Mercy ont été poursuivis par ses successeurs. Comme on l’a vu la chapelle de paroisse a été réaménagée en 1817. Les aménagements de ces différents espaces allaient être modifiés plus en profondeur par le cardinal Du pont au milieu du XIXe. s. : suppression des hauts dossiers des stalles, modification de l’ancien maître-autel et réaménagement complet des chapelles de la Vierge et du Sacré-Cœur, sous la conduite du sculpteur Jules Dumoutet. On peut regretter la disparition à la même époque de la boiserie de la chapelle des fonts baptismaux qui a au moins permis le retour de la statue de Francois de la Grange Montigny en 1864, qui était restée en exil dans l’église basse pendant plus d’un demi-siècle."
Philippe Bardelot
Le vitrail (baie 39) : Extrait d'une conférence de Mme Véronique Schmitt, guide
conférencière.
Le vitrail représente l’Assomption de la sainte Vierge. Il est large de 3,76 m et haut de 5,28 et est divisé dans sa partie inférieure en 4 lancettes. Il s’inspire d’une gravure d’un artiste italien du 16ème Taddeo Zuccaro (1529-1565). En effet, copier au XVIème-début XVIIème une gravure n’est pas une chose exceptionnelle et il existe alors des recueils de gravures où les maîtres-verriers puisent leurs inspirations. Emile Mâle a retrouvé par exemple dans des vitraux français des imitations d’œuvre de Léonard de Vinci, de Raphaël ou de Michel Ange. Ce vitrail a été offert par la veuve du maréchal et est daté de 1619. Cette date inscrite au centre du tombeau fait de ce vitrail la première commande prestigieuse passée pour cette chapelle. Le vitrail est réalisé comme un trompe-l’œil qui suggère la profondeur et hiérarchise les espaces. C’est un tableau bien composé avec ses premiers plans, ses effets de perspective et ses lointains soignés…
En partie basse, devant un muret fictif en marbre se détachent les admirables portraits des époux devant un Prie-Dieu dont les armoiries ont sans doute été brisées pendant la Révolution et refaites au cours du 20ème siècle.
Le maréchal de la Grange de Montigny est représenté agenouillé sur un coussin de velours rouge à glands d’or. Il est élégamment habillé du manteau de chevalier du Saint Esprit. Selon les statuts de l’ordre, le manteau devait être fait de velours de soie noire richement brodée de flammes, avec une doublure de soie orange et recouvert d’un court mantelet de soie verte. Ici le manteau est représenté « en émail violet pour éviter le noir » et le collet est bordé par un liseré jaune. Les tissus sont merveilleusement traités et les couleurs chatoyantes tout à fait remarquables. Le jour de Pentecôte correspond à la descente du Saint Esprit sur les apôtres. C’est le moment où, réunis, ils voient apparaître des langues de feu qui se posent sur eux (on voit ces flammes sur le manteau du maréchal). L’ordre du Saint Esprit a été créé par Henri III en 1578. Le Saint Esprit fut choisi car ce roi avait été élu roi de Pologne (11 mai 1573) et était devenu roi de France (30 mai 1574) après la mort de son frère Charles IX le jour de la Pentecôte. Ses dates confirment une élection divine, à 2 reprises, le jour de la Pentecôte, Dieu l’appelle à la tête de son royaume. L’ordre créé avait une double vocation : rassembler la noblesse autour du roi, montrer sa mission divine dans le contexte des guerres de religion. Il sert aussi à fortifier la foi et la religion catholique dans le royaume. Une autre légende publiée en 1579 par un auteur anonyme va même jusqu’à soutenir que le roi est né le jour de la Pentecôte (alors qu’il est né le 19 septembre 1551).
Gabrielle de Crevant est en costume de veuve, chaperon sur la tête, grand col blanc et robe noire à la mode du temps. On a des portraits de la reine Marie de Médicis, et en particulier ceux de Rubens, portant des tenues très semblables. Même coiffure (chaperon avec au sommet un petit appendice), même col de dentelle et manchettes blanches tuyautées dans la même matière. On a ici un portrait peint d’après nature, du vivant de la veuve, et moins froid que celui de son époux qui a été copié d’après un portrait.
Au centre : les apôtres contemplent le tombeau vide. Ils sont dans une attitude de joie et de surprise et on peut remarquer que chacun a un caractère particulier d’expression. Les uns sont debout, d’autres agenouillés et la main appuyée sur un livre ouvert. Une légende rapporte que Thomas, l’apôtre qui doutait de la Résurrection du Christ, ne voulait pas admettre l’Assomption de la Vierge. A sa demande, on ouvrit le tombeau : il était rempli de lys et de roses. Mais ce n’est qu’une légende… Une autre tradition raconte que, en montant au Ciel, la Vierge laisse tomber sa ceinture comme preuve de son Assomption pour saint Thomas.
Tout en haut, dans une gloire lumineuse, assise sur des nuées et portée par des anges au milieu de nuages : la Vierge. Les anges sortent des nuages autour d’elle et sont nus ou vêtus. Selon la religion catholique, au terme de sa vie terrestre, Marie a été « élevée corps et âme » au ciel. C’est l’Assomption de la Vierge qui est aussi appelée Dormition dans la tradition orthodoxe. La notion de l’Assomption de la Vierge n’a pas de base dans les Ecritures. C’est au VIème siècle qu’elle apparaît avec Grégoire de Tours mais a du mal à s’imposer. C’est seulement en 1950 à l’occasion de l’année sainte que le pape Pie XII proclame solennellement le dogme de l’Assomption (cad une vérité de la foi qui fait autorité). La représentation de thème n’est pas unique dans la cathédrale. On la retrouve dans le vitrail de la chapelle axiale (posé vers 1611-12) et dans le vitrail de la chapelle Le Roy (Notre Dame de Sales 1473). De même, ce thème est présent en sculpture sur le portail ouest consacré à la Vierge. Il était également visible en peinture avec une toile située dans la chapelle Saint Joseph. La toile a malheureusement brûlé en septembre 2008 suite à l’intervention d’un pyromane qui a mis le feu à la chapelle. Ici c’est une Madone « en lévitation » avec une théâtralité pompeuse. On veut produire un effet émotionnel avec une recherche poussée du mouvement et une gestuelle excessive. C’est ici le triomphe du maniérisme qui s’oppose à la représentation du même thème de la chapelle Le Roy où la Vierge apparaît avec une ferveur discrète, humblement à genoux et les mains jointes. Ici des têtes de chérubins sortent des nuages autour d’elle. Dans les jours, à la base du tympan, des séraphins aux ailes roses, vertes ou rouges.
C’est une œuvre parisienne qui serait due à Louis Pinaigrier. C’est Paul Gauchery qui en 1905 propose le nom de ce verrier pour cette œuvre. La famille Pinaigrier est une grande famille de peintres verriers du 16ème et 17ème. L’oncle de Louis, Nicolas, verrier de son état et le plus célèbre de la lignée, était arrivé de Beauvais pour venir travailler à Paris. On sait que Louis avait été sollicité pour les vitres de l’hôtel de ville de Bourges et qu’il plaça dans les fenêtres de la galerie haute de ce qui est maintenant le musée Estève 17 écussons aux armes du maire, des échevins ainsi que d’autres comme ceux du roi et de la reine. Il n’est pas certain qu’il y ait eu encore à Bourges à ce moment-là des maîtres verriers avec un si haut niveau de formation capables de réaliser une si grande et belle verrière même si à l’époque plusieurs noms de « vitriers » apparaissent dans les archives de la ville comme J.Harsan ou P.Lefebvre. Cette verrière est un chef d’œuvre du début 17ème et est un exemple de ce qui se faisait de mieux concernant l’art du vitrail proposé à des commanditaires fortunés.
Ce vitrail est remarquable par l’intensité des couleurs et par les contrastes audacieux entre les couleurs : c’est une véritable peinture sur verre qui utilise des émaux colorés. L’auteur a su jouer, avec une habileté exceptionnelle, de toutes les possibilités offertes par l’association de la peinture translucide avec des émaux (peintures vitrifiables colorés). L’émail est une peinture composée d’un fondant combiné à des oxydes métalliques, qui se fixe à haute température. C’est à la Renaissance que les émaux font leur apparition (milieu du 16ème : 1er exemple à Montfort-l’Amaury en 1544) mais sont beaucoup utilisés au 17ème. On peint alors toutes les couleurs sur le verre incolore et le résultat donne des coloris chatoyants. L’art du verrier se rapproche de + en + de la peinture. Les émaux sont aussi très utilisés pour les petits détails comme les bijoux car il évite l’usage des plombs et dont évite l’alourdissement du vitrail. Cependant la texture des émaux va diminuer la transparence du verre et annoncer également le déclin de l’art du vitrail. En effet, un emploi exagéré de l’émail retire aux vitraux leur transparence et va les faire passer de mode. Dans les décennies qui suivront le vitrail de couleur va ainsi être peu à peu abandonné pour tomber dans l’oubli au cours du 18ème.
Le priant :
Deuxième grand marché pour cette chapelle : un monument funéraire. Le maréchal avait choisi comme sépulture cette chapelle dès son acquisition en 1613. Il y fut inhumé en grande pompe le 9 septembre 1617. Un important mausolée fut demandé à la mort du maréchal par sa veuve Gabrielle de Crevant. Ce mausolée fut brisé à la Révolution française et il ne reste de ce tombeau que ce priant fait en marbre blanc. Ce ne fut pas le seul mausolée touché à la Révolution. On connaît comme autres dégradations des révolutionnaires le mausolée des Laubépine dont il ne reste que les 3 priants dans la chapelle J.Coeur et le tombeau du duc de Berry dont il ne reste que le gisant exposé dans la crypte.
On ne possède pas actuellement de représentation de la totalité du mausolée dans son état initial, aucun dessin n’ayant été à ce jour retrouvé. Les sources permettant de le reconstituer dans sa totalité proviennent de différentes origines. Ainsi, le chanoine Romelot, dans son livre daté de 1824 en fait une description mais sur la base de souvenirs de plus de 30 ans puisque le mausolée a été mutilé en 1793 ! On a également aux archives nationales le marché daté de Juillet 1621 entre la veuve et le sculpteur, rectifié en 1631. Ces 2 actes ont été passés devant Maître Leroy, notaire au Châtelet de Paris. Enfin, un procès-verbal de réception, en date du 19 octobre 1633 se trouve aux archives du Cher. Au départ, selon la description de Romelot un grand mausolée, non adossé au mur comme celui des Laubespine mais isolé au milieu de la chapelle avec 2 statues priantes des 2 époux. Elles étaient élevées sur un entablement porté par 4 colonnes de marbre noir aux chapiteaux ioniques de marbre blanc au-dessus du tombeau lui-même. Selon les marchés, sur la dalle de marbre noire était inscrite l’épitaphe du maréchal. En ce qui concerne le nombre de priants sur la dalle, le marché passé devant notaire ainsi que le procès-verbal de réception contredisent les affirmations du chanoine Romelot et ne mentionnent qu’un seul et unique priant. Gabrielle de Crevant est morte à Paris où elle résidait en 1643, soit 10 ans après la mise en place du mausolée. Selon le registre de la paroisse Saint Sulpice, la veuve a été inhumée à l’église des Capucins à Paris (disparue).
Le sculpteur en était Michel Bourdin père, originaire d’Orléans, mais qui était établi dans la capitale. Les Bourdin sont l’une des plus célèbres familles de sculpteurs « tombiers » de l’époque avec le père (1585-1645) et le fils (1609-1678) tous les 2 dénommés Michel Bourdin se faisaient une spécialité de la sculpture funéraire et Michel Père est l’auteur également du tombeau de Louis XI à Cléry (1622), de Jean Bardeau, seigneur de Nogent mort en 1632 (Nogent Sur Oise) et le fils du tombeau d’Amador de la Porte, mort en 1644, aujourd’hui au Louvre. La statue n’est pas signée mais comme nous n’avons pas l’ensemble du tombeau, on peut penser que la signature avait été mise à un autre endroit car on sait que Bourdin aimait à signer ses oeuvres. Par contre, nous possédons encore un dessin préparatoire signé de l’artiste.
Ce priant a été exécuté entre 1621 et 1633 (date où il fut livré) et a été, après le vandalisme révolutionnaire, descendu dans la crypte. Il a repris place dans cette chapelle en 1864. Bourdin maintient ici la tradition rigide et frontale du priant que ses successeurs chercheront à assouplir (cf les priants des Laubespine…). En effet la figure du priant agenouillé les mains jointes est dominante dans la première moitié du 17ème. Le défunt est représenté se tenant prêt pour le jour du jugement et son image est pleine de rigueur et de réalisme. Dans la 2ème partie du siècle, le corps du défunt tend à s’incliner, le visage se tourne, le regard s’élève vers le ciel et les mains sont rassemblés sur le cœur ou tiennent un livre. On représente le défunt comme pris sur le vif. Ici le Maréchal de la Grange porte la fraise tuyautée à la Henri IV et le grand costume de l’ordre du saint Esprit avec de riches draperies. Ici on remarque le maréchal à genoux devant un prie-Dieu décoré à ses armes entourées de l’ordre du Saint Esprit et de l’ordre de Saint Michel. L’ordre de Saint Michel a été fondé en 1469 par Louis XI (en réplique à l’ordre bourguignon de la toison d’or fondé par Philippe le Bon en 1430).
Au détail près du col empesé sur le vitrail qui est remplacé par la fraise sur la sculpture, les 2 portraits sont très proches par la gestuelle ainsi que par le vêtement.
Autre remarque concernant le tombeau et d’après un article de Paul Gauchery de 1904, des débris de plaques de marbre qui proviendraient du mausolée auraient été débitées en carreaux pour refaire le dallage actuel de la chapelle.
La tête de la Vierge et l’ange à droite ont une tête datant du 19/20ème (source Corpus Vitrearum du Centre).
Bibliographie :
Marché passé entre Bourdin, sculpteur, et Gabrielle de Crevant, Mausolée du maréchal de la Grange-Montigny, Mémoires de la société des Antiquaires du Centre, Paul Gauchery, XXIX, 1906
« Une imitation de la gravure italienne par un maître verrier de la cathédrale de Bourges » par Robert Gauchery ; Mémoires de la société des antiquaires du Centre, 1929, volume XLIV p 259 à 262
De Méloizes : p 76-77
Bénitier présent dans la cathédrale Saint Bénigne de Dijon.
Cela donne une idée du mécanisme qui a du existé à Bourges pour soulever le couvercle.
Héraldique
Armes de Mgr Pierre Aymery
Les deux culs de lampe sont avec écusson aux armes de Pierre Aymery, archevêque de Bourges de 1391 à 1409, fondateur de la première chapelle, (d’or à une face de gueule, chargée de trois émerillons d’argent). (Un émerillon est un petit faucon)
François de la Grange (1554 – 09/09/1617), seigneur baron de Montigny, de Sery et des Aix, fils de Charles de la Grange et de Louise de Rochechouart. Chevalier du St Esprit en 1595 et maréchal de France en 1615. Voici la description que donne M. de Méloizes (1897) : « L’écu du maréchal était d’azur à trois ranchiers ou béliers passant d’or et devait être entouré du collier de l’ordre du Saint-Esprit , comme on le voit sculpté sur le prie-Dieu qui accompagne sa statue » et sur la clef de voûte près du mur.
Gabrielle de Crevant, fille de Claude de Crevant et de Marguerite de Halluin. Mariée le 1er août 1582 et décédée en 1643.
Les armes de la maréchale portaient accolé à ce même écu celui de la famille de Crevant : écartelé d’argent et d’azur, contre-écartelé d’argent à trois lionnets de gueules armés, lampassés et couronnés d’or. » Les voici sur la deuxième clef de voûte.
Documents à télécharger