Le Calorifère
Cette page existe grâce au texte écrit par Véronique Schmitt, guide conférencière :
"En 1894 on installa donc ici un énorme calorifère en sous-sol. Pour ces travaux on creusa dans la grande nef une large excavation de près de 12 mètres de long, 8 de large et 5 de profondeur soit une surface d’environ deux travées et demie c'est-à-dire de près de 100m2. Ces travaux vont nécessiter la pose d’une enceinte de planches autour du chantier et les cérémonies du culte seront repoussées dans la nef. Des centaines de mètres cubes de terres furent ôtés et les ouvriers retrouvèrent alors des tombes de chanoines (une soixantaine au moins), du pavage de l’ancienne église et la maçonnerie de soutènement des gros piliers ainsi que de nombreux fragments du jubé… Les tombes retrouvées n’ont pas apporté de « trésor » à la cathédrale car il s’agissait de simples prêtres ou chanoines (les découvertes ayant eu lieu sous la nef et non sous le chœur réservé aux dignitaires plus élevés comme les archevêques). Paul Boeswillwald, architecte en chef des monuments historiques (et qui préside l’installation du calorifère) ainsi que l’architecte diocésain Emile Tarlier étaient chargés du chantier. Ces 2 architectes ont malheureusement travaillé dans l’ombre et ont négligé de laisser des notes sur leurs travaux et découvertes. Cette situation a fait dire à Monsieur Ribault qu’il y a eu là « un gâchis archéologique qui reste irréparable ». De plus, on sait que ces 2 architectes voyaient fort mal la présence des spécialistes locaux. C’est ainsi que les archéologues locaux furent interdits d’accès au chantier et de nombreux points restent obscurs sur ces travaux.
L’installation du calorifère est due à l’initiative de Monseigneur Boyer. Il a été conçu par l’entreprise Albert Robin, constructeur ingénieur et Fernand Delsaitre, constructeur mécanicien, installée rue d’Oran à Paris et médaille d’or de l’exposition universelle de 1878. L’établissement du calorifère a coûté au total 70 000 francs. Les travaux ont été très rapides puisqu’ils débutèrent le 26 juin et le calorifère sera inauguré officiellement le 2 décembre de la même année. La durée de la construction a duré 5 mois et son fonctionnement nécessitait chaque jour une tonne de charbon pour une température de 8 à 10° maxi (près des 8 bouches d’air !!!).
Le curé de Verdigny, Pierre Jules Augonnet nous renseigne sur le fonctionnement de ce calorifère et indique qu’au plus fort de l’hiver et lorsque les 11 fourneaux du calorifère sont allumés, la température de la cathédrale peut-être facilement maintenue à 8 ou 10 degrés au dessus de 0. Il signale que l’on voit des bouches de chaleur dans les travées de la cathédrale (ex : 7ème et 8ème travées).
La mise en place d’un calorifère dans la cathédrale entraina beaucoup de contestations et les travaux se firent quasiment en catimini. Des voix s’élevaient pour dire que l’on ne pourrait jamais chauffer un monument d’une telle capacité et que les revenus de l’église ne permettaient pas une telle dépense.
Le journal du Cher par exemple remarque que si ces bouches de chaleur rayonnent dans la nef, elle ne dépasse guère l’espace qu’occupe le clergé pendant le sermon….
Un article publié dans le « bulletin de la Société académique du Centre », et daté de 1898, soit 4 ans après l’installation, vante cependant la réussite parfaite du calorifère en disant que les fidèles suivant les offices, le clergé, les employés de l’église et les pauvres qui font de nombreux séjours devant les bouches de chaleur ne peuvent qu’être comblés par le ce nouvel équipement de la cathédrale.
Deux conséquences malheureuses de ce calorifère sont cependant soulignées dans cet article : 1/ le passage d’un chemin de fer dans la crypte et donc une animation incessante dans ce lieu religieux avec le va et vient des wagonnets et d’employés en tenue de travail dans ce lieu saint 2/ selon la direction des vents on constatera une odeur nauséabonde qui se diffusera dans la cathédrale.
On arrive au calorifère par un passage en ligne courbe établi sous la chapelle Saint Denis et les 2 bas-côtés de la neuvième travée. Le conduit de la cheminée passe sous le dallage de ces 2 bas-côtés puis va aller rejoindre le conduit de la double cheminée des archives et de l’ancienne bibliothèque.
La salle sert aujourd’hui de dépôt archéologique. Cette petite pièce rectangulaire (chambre de chauffe), aux murs de brique, nous montre sur les deux longs murs les onze foyers destinés à la combustion du charbon. Ces 11 fourneaux forment chacun 2 foyers superposés. On peut imaginer dans ce lieu des personnes suant pour alimenter la chaudière dans une atmosphère quasi totalement irrespirable. En effet, afin d’assurer le bon fonctionnement du chauffage, une présence humaine doit être présente en permanence dans ce lieu. Le tirage peut être réduit. A remarquer au fond, un wagonnet chargé de ramener le combustible jusqu’ici. Une plaque en indique l’origine « Decauville ainé, petit Bourg France ». Il a donc été conçu par la société Decauville, basée à Evry et spécialiste de la construction de manutention et ferroviaire qui invente un type de voie de chemin de fer de faible écartement.
Le calorifère s’est arrêté de fonctionner en 1938. Le charbon a été utilisé jusqu’en 1918 puis ce fossile, devenu trop cher, a été remplacé par le coke, extrait de la houille à l’usine de gaz située sur la route de Marmagne.
Dans les années 1950, un autre projet de calorifère a été évoqué mais n’a jamais vu le jour."
Pour les chercheurs, voici les sources consultées :
"Le calorifère de la cathédrale" dans la Semaine religieuse du diocèse de Bourges du 7 juillet 1894, page 414
Jean-Yves Ribault, "Observations et hypothèses sur la cathédrale romane de Bourges (XIème-XIIème siècles) dans les Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry, N° 127 de 1996, pages 5 à 16.
Archives départementales du Cher, Ref 35 J 46, notes du chanoine Augonnet
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