Salle des Fileuses
Cette salle se situe au-dessus de la salle capitulaire. On y accède par le même escalier (porte à droite de l'entrée de la crypte). C'est là que se trouvait, avant l'incendie de 1559, l'atelier des brodeurs. Actuellement cette salle sert de débarras. Sur le côté ouest, une porte en bois (en mauvais état) et portant un dessin d'un suisse sans doute exécuté par un maîtrisien facétieux donne sur une grille en fer qui ferme l'accès à l'ancien chartrier. Cette salle n'était pas prévue dans le plan initial de la salle capitulaire. Les chanoines, en se ravisant, demandèrent à l'architecte de modifier les plans. L'ajout de l'escalier, non prévu au départ, empiète sur la salle capitulaire et nuit à l'esthétique.
Quelques notes sur les brodeurs qui ont œuvré à Bourges entre les XVIe et XVIIIe siècles.
On ne possède que peu d'informations sur l'organisation du métier des brodeurs de Bourges. Ces artisans formaient une petite communauté dont l'effectif, du XVIe au XVIIIe siècle, ne semble jamais avoir été supérieur à sept membres. Contrairement à leurs homologues parisiens ou toulousains, les brodeurs berruyers ne constituaient pas une corporation indépendante réglementée par des statuts. Le seul cadre de leur groupement était une confrérie placée sous la patronage de saint Clair. Une majorité des brodeurs étaient regroupés au sein de quatre grandes familles : les Bremault, Ragier, Chasgnon et Degoy.
Ces brodeurs possédaient des métiers de plusieurs tailles : un petit à chasuble et un à voile. Pour son travail, le brodeur utilisait des rouets à
filer, des broches garnies de fil d'or ou d'argent, du bouillon d'argent faux, des paillettes, des soies plates, des galons et diverses pièces de tissus en velours, taffetas ou satin. Le brodeur
disposait également de plusieurs livres d'estampes de fleurs, d'images, de patrons et de dessins. A lire les inventaires des chasubliers des églises du diocèse de Bourges, on s'aperçoit sans
peine qu'il existait une grande disparité entre les sanctuaires. Parmi les mieux pourvus en ornements liturgiques, figure la cathédrale de Bourges. Le chapitre, composé d'une quarantaine de
chanoines et de plus de soixante-dix vicaires concourait avec une pompe et une majesté peu commune à la célébration de l'office canonial et disposait pour ce faire d'un riche vestiaire
liturgique. Ce vestiaire ne cessa de croître au fil des ans : composé de 70 pièces en 1537, il totalisa plus de 350 articles dans les années 1760. un inventaire, rédigé sans doute peu après la
réunion de la Sainte-Chapelle en 1757, dénombre une dizaine de parements d'autel, 120 chapes, 22 tuniques d'enfants de chœur et plus de 200 chasubles. Pour entretenir cet important vestiaire
liturgique, la cathédrale possédait son propre atelier de broderie. Son emplacement nous est connu par le procès-verbal de l'incendie qui, en mai 1559, embrasa une partie des toitures des basses
nefs. (C'est la pièce décrite ci-dessus). Malgré l'importance du sinistre de 1559 qui avait consommé nombre d'ornements, l'atelier fut maintenu au même emplacement durant les deux
siècles suivants. Il semble que jusqu'à la fin du XVIe siècle, il n'y ait eu qu'un seul brodeur attitré pour l'entretien du vestiaire. Ils furent ensuite deux pendant tout le XVIIe siècle à
travailler à la broderie. Dans les années 1720, l'atelier de broderie deviendra exclusivement féminin avec la nomination de Madeleine Richard. Lui succéderont, en 1752-1753 Catherine Lefèvre et
Suzanne Bruneton. A partir de 1766, cette dernière exerça seule la charge jusqu'à la Révolution.
Pour la cathédrale de Bourges, comme pour toute église épiscopale, existait un mode de financement du vestiaire qui prenait la forme d'un droit d'entrée dû au chapitre par chaque nouveau prélat. Chaque archevêque s'acquittait de ce "droit de chapelle", soit en nature, soit en numéraire et se libérait fréquemment par le don d'ornements. Michel Phelypeaux de la Vrillière, archevêque de Bourges de 1677 à 1694, s'était acquitté par le don de plusieurs pièces d'orfèvrerie, de cinq chasubles, de deux chapes brodées d'or et de trois mitres.
Source : Cahiers d'Archéologie et d'Histoire du Berry N° 230 de septembre 2021. Article de M. Philippe Bardelot "Brodeurs et textiles sacrés dans le Cher, XVIe-XVIIIe siècles"