Vitrail de la Nouvelle Alliance
Les donateurs de ce vitrail sont les bouchers. Ils sont représentés en train d'abattre des animaux et de commercer dans leur boutique. Ensuite, nous distinguons trois scènes de la vie du Christ : portement de croix, mort et résurrection entourés de thèmes de l'Ancien Testament qui rythment le récit. La lecture des médaillons circulaires s'appuie sur les commentaires que donnent les médaillons les entourant. Il s'agit du procédé dit de lecture typologique*. L'interprétation de ce vitrail étant assez complexe, je ne peux que vous renvoyer vers le livret du Père Hervé Benoît "Les grands vitraux de Bourges" (Ref. dans la page "bibliographie").
Les photos des médaillons sont présentées ci-dessous dans l'ordre de lecture et sont sous-titrées d'un bref commentaire.
Ce vitrail a été restauré vers 1848 par M. Thévenot, verrier clermontois. M. Thévenot, au cours de ses restaurations, supprimait systématiquement les "bouche-trous" des restaurations précédentes. Or, dans ce vitrail, il a oublié d'enlever un bouche-trou : dans le médaillon présentant la résurrection de l'enfant mort par Élie, sous la main gauche de l'enfant se trouve un morceau de verre blanc avec dans le bas une pointe de flèche sans doute du XVe siècle.
* Typologie : Mot désignant le symbolisme le plus original du langage biblique : la préfiguration dans l'ancien Testament de ce qui va acquérir sa signification définitive en Jésus. Il consiste à faire des parallèles entre des faits ou des paroles des deux Alliances.
Identification des personnages représentés et commentaires de scènes.
Vitrail. Dimensions de la verrière : 220x 600 cm. État de conservation : restauré par Étienne Thévenot en 1845-48, puis par Francis Chigot entre 1947 et
1955 et par Jean Mauret en 1981. Les panneaux inférieurs du premier grand cercle et le panneau supérieur gauche du premier grand cercle datent du xixe siècle. Ce vitrail est protégé au titre des Monuments Historiques (il a été classé au titre immeuble en 1862, référence : PM18000439).
Inscription conservée in situ. Localisation : déambulatoire, première baie à gauche de la chapelle d’axe. Caractères peints.
Datation : vers 1205-1214 [datation par le support en accord avec l’analyse paléographique] et xixe -
xxe siècles.
Disposition horizontale, à l’exception de l’inscription de la scène supérieure gauche du premier médaillon. Inscription sur une ligne. Mélange de capitales et d’onciales ; pleins et déliés marqués. Le Z de nazareus a la forme d’un I; la queue du Y de Ysaac est très courte. Abréviation par suspension : apostrophe pour marquer la finale -us dans pelicanus et pour signaler l’élision de hoc. Conjonction de lettres : I enclavé dans le L dans nolite ; T et E conjoints dans nolite, M et E conjoints dans me. Certaines lettres sont ornées : le H de Ihesus est perlé ; la barre transversale des A de Ysaac est redoublée. Certaines graphies sont particulièrement élégantes : pelicanus, Joseph, filii Isaac, les c sont souvent fourchus. Ponctuation non systématique entre les mots par trois points verticaux.
Premier cercle :
Scène inférieure gauche : Abraham et Isaac allant sur la montagne (bandeau en bas de la scène ; lettres jaunes sur fond noir pour le premier nom et bleues sur
fond noir pour le second) :
1 ABRAHAM
2 ISAAC
Scène inférieure droite : Sacrifice d’Abraham (bandeau en bas de la scène ; lettres jaunes sur fond noir) :
1 ABRAAM
Scène centrale : Portement de croix (en haut de la scène ; lettres blanches sur fond noir) :
1 NOLITE ⁝ FLERE ⁝ SVP̶ ME
Scène supérieure gauche : Élie et la veuve de Sarepta (cartouche le long du bord gauche de la scène ; lettres blanches sur fond noir) :
1 MVLIER ⁝ LEGENS ⁝ LIGNA
Sur le phylactère tenu par le personnage (lettres blanches sur fond noir) :
1 H[.]LYAS · MAGN
Scène supérieure droite : Pâque juive avec marque sur les linteaux (bandeau au bas de la scène ; lettres jaunes sur fond noir) :
1 SCRIBE ⁝ THAV
Sur le linteau blanc, en noir :
1 TNiveau intermédiaire :
Trilobe à gauche : Moïse fait jaillir la source du Mont Nébo (en haut de la scène ; lettres blanches sur fond
noir) :
1 MOISES
Cercle central : Crucifixion (en haut de la scène ; lettres jaunes sur fond noir) :
1 IHS NAZARE[..]
Sur la tablette de la Synagogue (lettres noires sur fond marron) :
1 SINAGOGA
Trilobe à droite : Moïse et le serpent d’airain (en bas de la scène ; lettres blanches sur fond noir) :
1 MOYSES
Deuxième cercle :
Scène inférieure gauche : David et le pélican (bandeau en bas de la scène ; lettres jaunes sur fond noir) :
1 PELICAN
Sur le phylactère tenu par le personnage de gauche (lettres roses sur fond noir) :
1 DAVID ⁝ REX
Scène inférieure droite : La lionne nourrissant ses petits (bandeau en bas de la scène ; lettres grises sur fond
noir) :
1 H : LEO : FORMAS
Ce vitrail est le plus complexe et un des plus riches au niveau épigraphique de l’ensemble de la vitrerie de la cathédrale de Bourges, tant par le nombre de textes que par leur diversité formelle. Il met en parallèle des figures du Nouveau et de l’Ancien Testament. La lecture des scènes s’effectue du bas vers le haut. Le premier médaillon se centre sur la Passion et ses préfigurations, le médaillon intermédiaire sur la Crucifixion et la figure de Moïse, le deuxième médaillon sur la Résurrection et enfin au sommet se trouve la figure de Joseph.
La quinzaine d’inscriptions qui viennent orner et commenter les scènes de ce vitrail montrent une variété textuelle : noms propres ou communs venant identifier un personnage, mais aussi phrases au style direct (nolite flere, sribe thau) sortant de la bouche des personnages et plongeant le lecteur au cœur de la scène. Un certain nombre de ces textes épigraphiques se rapportent à des passages bibliques, qu’ils reprennent plus ou moins littéralement. Au premier médaillon, nolite flere renvoie à l’évangile de Luc (XXIII, 28 : Filiae Jerusalem, nolite flere super me), l’expression mulier legens ligna rappelle une scène du premier livre de Rois (XVII, 10 : ... apparuit ei mulier vidua colligens ligna...), tandis que scribe Thau peut être rapproché d’un passage du prophète Ézéchiel (IX, 4 : Signa Thau super frontes virorum).
Le deuxième médaillon a pour thème la Résurrection, avec par exemple les figures de Jonas et de Lazare. Deux inscriptions viennent identifier les animaux qui symbolisent le Ressuscité : le pélican et le lion. Le pélican, dont on croyait qu’il perc¸ait sa propre chair et en nourrissait sa progéniture, symbolise le sacrifice du Christ, qui verse son sang pour le salut du genre humain. Cet animal est cité à plusieurs reprises dans la Bible, notamment dans le Ps CII [CI], 7 : Similis factus sum pellicano solitudinis ; c’est pourquoi le roi David est représenté à côté dans ce vitrail. C’est un symbole de la résurrection, tout comme le roi des animaux. Selon la légende, les petits du lion naissent morts-nés, mais reprennent vie au troisième jour sous le souffle ou le rugissement de leur père[1]. L’association du pélican, avec le roi David, et du lion se retrouve dans le vitrail typologique de la cathédrale du Mans.
Quoique ces inscriptions ne permettent pas de comprendre l’ensemble du message théologique de la baie, leur localisation dans le schéma iconographique et narratif participe au sens global. Comme l’a montré Vincent Debiais, les textes formant le sol des scènes créent des ruptures horizontales dans la progression des figures christologiques, tout en instaurant un mouvement de convergence vers le centre des médaillons, matérialisant les relations typologiques entre les scènes antétypiques et les figures auxquelles elles se rapportent. L’analyse de l’écriture (lettres droites, étirées, régulières, les empattements fins et crochus, la ponctuation pleine) permet d’identifier le style paléographique du maître de la Nouvelle Alliance, plus conventionnel que celui du Bon Samaritain.
Source : Site Internet "Titulus" - Corpus des inscriptions de la France médiévale
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